Le corps féminin dans l'art, subtilement voilé et dévoilé est magnifié. La forme Une, parfaite, éternelle nous éblouit. C'est la version apollinienne et apaisante de l'art. Jana Sterbak, dans sa création « Vanitas : robe de chair pour albinos anorexique»(1987), nous en éloigne.

De loin, apparaissent des mannequins en métal vêtus de robes élégantes, ajustées, ayant l'allure de robes de haute couture. En approchant, on distingue leur étoffe faite de fines tranches de viande cousues, exhibant dans un retournement la chair qu'elles sont censées recouvrir. Jana Sterbak, par l'artifice et la mise en scène de cette œuvre éphémère, joue de ce rapport entre la belle apparence et la précarité de la vie humaine. Vanitas.

Mais cette robe présentée sur un mannequin en métal est destinée au corps d'une femme. Voilà ce qui nous éprouve. Lady Gaga, qui travaille beaucoup à rendre spectaculaires ses apparitions publiques, a porté cette scandaleuse « robe de viande » aux MTV Video Music Awards en 2010. L'œuvre de Jana Sterbak et, pour Lady Gaga, sa propre mise en scène ainsi vêtue constituent deux démarches créatrices. Chacune a la résonnance d'un acte dont la force nous bouscule, faisant signe au-delà du féminin, de l'innommable.

Élisabeth Marion
ACF-VLB, Le Mans