Sarah est en lutte pour contrer ce réel que la poliomyélite inflige à son corps : une fièvre de cheval et une diarrhée la conduisent à une hospitalisation. Elle a trois mois et ne peut plus respirer sans aide. C'est ainsi qu'elle passera deux ans à expirer et inspirer sur commande, dans un poumon d'acier.

Elle est transférée en centre de soins pendant dix ans. Coupée du monde, ce temps est interminable : Sarah est confrontée au même lieu, aux mêmes douleurs qui envahissent son corps et son esprit. Cet incessant retour du quotidien va être bousculé par une idée qui surgit de nulle part : se fracturer un membre pour vivre autre chose, autrement.

Seule une hospitalisation, ailleurs, lui permettrait de mettre le nez dehors. Sarah décide de se fracturer un pied. Elle s'isole pour cogner sa cheville contre le mur de la cour où elle s'ennuie.
Elle y travaille sans relâche chaque fois que le réel la terrorise, la phagocyte. Elle sacrifie une partie de son corps pour « respirer ».

Elle s'amuse à le narguer ce réel, à lui faire un « pied de nez », même si la douleur qu'elle s'inflige paraît aux autres n'être pas plus supportable que ce qu'il lui impose. Sarah se « nique » le pied pour faire la nique au réel. Elle l'a eu... enfin... par un bout... et elle n'aura de cesse d'en découdre jusqu'à ce que la cure lui enseigne comment y faire avec !

Fatiha Belghomari
ACF, La Réunion