La loi sur la métropole dite du Grand Paris (ce nom qui n'avait plus servi après 1944) vient d'être votée dans un profond silence. Elle vise à favoriser les échanges entre territoires dans un rayon de 15 km à partir du centre de Paris, au-delà de la ceinture du périphérique parisien, dont on dit communément qu'elle est symbolique. C'est si bon une métropole administrativement obèse qui s'occupera du bonheur de plusieurs millions d'habitants. Coup double : la loi dilue la ségrégation capitaliste ici et l'aggrave ailleurs.

Subsiste la RN 20, à 18 kilomètres au sud de la porte d'Orléans, avec ses habitations alignées le long de la route, entre des grandes surfaces qui vendent des salons pur cuir, des accessoires de coiffure ou d'imposantes autos américaines que l'on ne voit jamais circuler. Là, il n'y a pas de rythme : les volets posés sur les maisons noircies de pollution sont toujours fermés ou toujours ouverts.

Au milieu de la chaussée, un mur en béton a été planté pour séparer les deux sens de circulation. Démocratiquement infranchissable, aucun demi-tour possible, aucun passage de l'autre côté non plus, sauf au prix de multiples échangeurs tordus et énigmatiques. La RN 20 permet de circuler dans un sens ou dans l'autre – modulo cette prouesse de rendre le ou exclusif.

Entre des zones à la luminosité artificielle et criarde, et des espaces totalement sombres, parfois deux ou trois silhouettes discutent à deux heures du matin. Un corps bouge près de la route, un autre file sur la route. Les deux ne se rencontrent pas. C'est comme une danse étrange.

Luc Garcia
ACF, Paris