Le dernier prix Nobel de littérature a été attribué à Alice Munro, écrivaine canadienne anglophone. Deux recueils de nouvelles sont traduits en français aux bons soins des Éditions de l'Olivier : Fugitives et Trop de bonheur.

Le style bref et concis de l'auteure nous met de plain-pied avec un quotidien pétri des petites choses de la vie. Une étrangeté émane progressivement des situations les plus ordinaires, de petit glissement en petit glissement, jusqu'au fait purement contingent qui porte à conséquence. Sans plus de bruit que ceux qui précèdent, c'est celui par lequel une femme, toujours un peu absente à elle-même, met un terme à l'enchaînement ordinaire de sa vie (Fugitives). Ou bien, du cœur du bonheur monte le tragique qui, consacrant sa fin, lui trace une limite (Trop de bonheur).

La force de l'écriture d'Alice Munro est de rendre présent, dans le fil du récit, un réel qui troue ça et là la trame des jours. Point de destinées hors du commun déterminées par des signifiants méconnus des personnages, presque toujours féminins. C'est l'énigme de la décision d'un changement de position quant à l'existence qui saisit le lecteur.

Michèle Astier
ECF, Brive